Espace Schengen

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Tout part de Schengen.

De l'idée que la confiance entre plusieurs Etats puisse être telle que chacun d'entre eux accepte de voir ses frontières gérées par tous les autres.

L'espace Schengen, qui autorise la libre circulation des biens et des personnes en son sein, semble une réalité presque banale aujourd'hui pour plusieurs millions d'Européens. Quiconque voyage en Europe aujourd'hui le fait extrêmement facilement, aidé en cela par des réseaux de transport toujours plus interconnectés et transnationaux et qui, pour être empruntés, ne nécessitent qu'une simple carte d'identité de son pays d'origine.

"Schengen", c'est pourtant la matérialisation même de l'idée d'Europe, celle d'une communauté de destin et de la solidarité nécessaire à sa réalisation. Tout comme l'euro dans nos portefeuilles, cette liberté constitue la concrétisation immédiate, quotidienne, de ce qu'est aujourd'hui l'Europe pour ses citoyens. Mais ces frontières "abolies" reviennent encore alimenter de vifs débats nationaux dans tous les pays de l'Union, preuve que l'idée qui préside à cette abolition avait probablement quelque chose d'un peu trop révolutionnaire pour être acceptée aussi facilement par plus de 400 millions d'Européens.

Ces frontières ont-elles jamais été hermétiques, et pourraient-elles jamais le redevenir, comme on nous le promet ?

J'ai donc voulu aller voir ce qu'il en était aujourd'hui, trouver ce qui subsiste encore de ces anciennes frontières extérieures des Etats-nations, devenues "frontières intérieures" de l'Union. Et pour ce faire, je me suis imposé un protocole, plutôt simple et arbitraire.

Sur une carte d'abord.

Partir de Schengen, la ville, le lieu où ont été signés les accords du même nom en juin 1985. Puis, à partir de ce "point zéro", définir d'autres points, tous les cent kilomètres à vol d'oiseau, pointés le long des frontières luxembourgeoises, belges, françaises et allemandes. Et puis d'autres encore depuis ces derniers, et ainsi de suite, tous les cents kilomètres (ou par multiples de cent si la distance est trop grande), en suivant les limites des Etats, membres ou non de l'Union européenne, signataires des accords de Schengen.

Sur les routes, ensuite.

Partir pour de vrai, aidé seulement de cartes routières, de plans topographiques et de photos satellites, pour me rendre sur place. Reconnaître et retrouver chacun de ces points qui, étant donné le caractère aléatoire du protocole, sont souvent situés en pleine nature, loin des grands axes, parfois à plusieurs heures de marche de la dernière voie goudronnée. Et les photographier. Depuis chacun des côtés de la frontière. Pas comme un touriste, pour le simple souvenir nostalgique du "comment c'était avant". Mais plutôt avec une volonté documentaire, sans parti pris plasticien, qui a dicté mon choix de travailler sur plans-films argentiques à la chambre 4x5''.

De mes premières transhumances, il résulte déjà un éventail de panoramas européens, une diversité de territoires qui, à un moment ou à un autre de l'Histoire, ont été des lieux partagés entre deux pays. De ces anciennes frontières intérieures, il ne reste souvent rien d'évident au premier regard. La plupart du temps, une limite de propriété rurale marque la fin d'un territoire et le début d'un autre - comment, en effet, partager une exploitation agricole entre deux pays ? Mais on passe souvent une frontière sans même s'en rendre compte. Pas de barrières, ni de barbelés, encore moins de murs. Rien de vraiment tangible, finalement. A un tel point parfois qu'il faut que l'on nous montre la limite pour pouvoir y revendiquer un territoire et qu'on nous signifie le côté duquel on se trouve pour pouvoir y projeter une identité. Et si, ici ou là, la nature rend parfois le passage plus difficile à franchir par un fleuve ou une haute montagne, les histoires locales fourmillent d'anecdotes de partage et d'échange qui se chargent de vous rappeler que ces lignes, censées séparer et délimiter, ont bien souvent joué les traits d'union entre deux rives, deux vallées - deux pays -, même aux heures les plus sombres de l'Histoire.

Alors que les postes frontières routiers sont parfois restés plus ou moins à l'abandon, il y a souvent, à quelques mètres de ces mêmes postes, des chemins ou des petites routes qui continuent de permettre le passage quotidien du nomade transfrontalier, donnant à ces "frontières" une toute autre dimension que celle dont on les fait résonner aujourd'hui.